L’idée que chacun de nous ait à prendre soin de soi heurte à première vue le sens commun : n’est-ce pas d’abord des autres que nous devrions nous préoccuper ? N’est-ce pas en nous dévouant à notre « prochain » que nous oublions nos soucis quotidiens, comme nous l’a enseigné le christianisme ? Qu’il y ait à choisir entre l’attention que l’on se prête à soi-même et celle portée à autrui était étranger aux écoles de sagesse antiques, cultivant l’un et l’autre et cherchant l’harmonie entre l’individu et l’univers au prix d’une ascèse, d’un « exercice spirituel » (P. Hadot) révélant à qui le pratiquait une autre dimension de sa personne que le « moi », et transformant de ce fait son rapport au monde. Qu’en est-il de cette question aujourd’hui, dans une société où souci de soi et souci du monde semblent souvent s’opposer ?

1^ère partie 9h30-11h00 : Une forme particulière d’attention : On montrera que « prendre soin », de soi ou d’autrui, n’est pas soigner au sens médical du terme même si tout thérapeute prend soin de son patient du seul fait qu’il lui administre la thérapeutique appropriée. Prendre soin, c’est prendre garde à ce que notre état physique ou psychique, ou celui d’autrui, conserve son équilibre ou le retrouve s’il a été perturbé. Il y a donc lieu de situer cette disposition, cette attitude parmi d’autres gestes tels que s’occuper de, protéger, aider, consoler, conseiller, enseigner…Dans quelles circonstances la nécessité de prendre soin de soi s’impose-t-elle ?

2^e partie 11h15-12h30 : Est-ce là du narcissisme ? : On ne répondra à cette question qu’en se demandant, comme le firent Socrate, Marc-Aurèle ou saint Augustin, quel est le « soi » dont on découvre l’existence et dont on désire alors prendre soin. En quoi le mérite-t-il, et quels sont les moyens pour y parvenir ? Faut-il imputer à l’individualisme contemporain et aux conditions stressantes de vie moderne le fait que tant de personnes éprouvent aujourd’hui le besoin de prendre soin d’elles-mêmes ? Le souci de « santé », qui fait figure de nouvelle mythologie réparatrice dans un monde désenchanté, est peut-être aussi le symptôme d’une pathologie propre au monde moderne.

3^e partie 14h00-15h30 : Changer le monde ou se transformer soi-même ? On s’intéressera à la distinction établie par Jung entre le moi et le Soi dans la perspective du processus d’individuation, et on mesurera la position paradoxale du bouddhisme enseignant la compassion mais affirmant que le Soi n’existe pas. Peut-on dès lors être compatissant envers soi-même ? On rappellera également le lien étroit entre le « soin » et la notion même de religion en tant qu’attention bienveillante et non rapport de soumission à la transcendance, induisant une position éthique comme celle d’Emmanuel Lévinas par exemple.

4^e partie 16h15-17h30 : Un nouveau regard sur son environnement : Prendre soin de soi c’est aussi se donner les moyens de protéger autrui si l’attention bienveillante que l’on s’accorde constitue une vraie cure (cura, soin) et non un curtage ponctuel. Prendre soin d’un « soi » reconnu pour essentiel suppose en effet patience et persévérance mais aussi créativité, saut dans l’inconnu parfois. C’est alors souvent la première étape d’une véritable transformation de notre rapport au monde, et une propédeutique à la vie spirituelle.

François Bonardel est philosophe des religions et Professeur émérite à l’Université de Paris 1 – Sorbonne. Spécialiste de l’hermétisme et de l’alchimie, elle enseigne également à l’Institut d’Etudes Bouddhiques (IEB). Elle est l’auteur de : Philosophie de l’alchimie – Grand Œuvre et modernité(PUF, 1993) ; La Voie hermétique (Dervy, 2002) ; Bouddhisme et philosophie (L’Harmattan, 2008) ;Philosopher par le Feu – anthologie de textes alchimiques (Almora, 2009) ; Bouddhisme tantrique et alchimie (Dervy, 2012).